Expédition sur la rivière Magpie 2012, Roger Fillion et André Bélanger

Départ de Mascouche

Nous sommes partis de Mascouche le samedi 18 août à 14 h 30. Aucune destination en tête. Idéalement nous devions nous approcher le plus possible de Port-Cartier, parce que nous avions planifié de rencontrer Neilson et Bianca, des références de notre contact Mathieu, pour faire une descente le dimanche avant le départ de l’expédition. Après avoir soupé à La Malbaie, nous avons repris la route vers 17 h.

Avant l’arrivée au traversier de Tadoussac / baie Ste-Catherine, nous suivions un poids lourd, et nous avions remarqué des étincelles derrière la remorque. Nous supposions que c’était une chaine qui trainait derrière. Subitement, j’ai comme l’impression qu’un couvercle de poubelle est emporté part le vent près d’une maison près de la route, et à la dernière minute après le rebond de l’objet sur la maison je déduis que le couvercle de poubelle est plutôt une roue de la remorque que nous suivions. Je décide donc de prendre mes distances tout en essayant de comprendre ce qui s’était passé. Quelques centaines de mètres plus loin nous apercevons le feu prendre sous la remorque, je n’ose vraiment pas me rapprocher, je pré faire garder mes distances. De toute façon, nous sommes seulement à quelques kilomètres du traversier. Arriver au traversier le camion s’immobilise, en même temps une camionnette nous dépasse à vive allure.  Un homme descend du véhicule et se précipite sur le conducteur du camion, prêt à déverser une série d’insultes : tu roulais comme un malade,  J’ai reçu une roue de ton camion dans mon salon, toutes mes fenêtres sont pétées, t’aurais pu nous tuer.  André pour réduire la tension va voir la victime pour donner sont point de vus : Nous le suivions, il ne roulait pas si vite que ça, il roulait 90 km/h, allez c’est un accident, il ne pouvait pas savoir qu’il perdrait une roue.

Moi j’accroche André pour l’amener à l’écart et lui dire : attention à ce que tu dis, la limite de cette zone était 70 km/h, tu ne fais que mettre de l’huile sur le feu. J’accroche par la suite la victime et lui dis que je suis le conducteur et que le camion roulait bien à 70km/h, tout en essayant de faire descente la tension. Après avoir évité le pire, nous faisons le tour de la remorque pour voir les dommages et à notre grande surprise les deux roues ne sont plus sur l’avant-dernier essieu de la remorque. Ça pouvait bien être en feu.

Le reste du voyage se passa très bien, nous avons couché dans un camping à Pointe Lebelle, à l’entrée de Baie-Comeau, à environ 2 heures de route de Port-Cartier. Superbe camping, avec des plages de sable impressionnantes.

La route de Pointe Lebelle à Port-Cartier se passe très bien, nous avons même eu le temps de nous faire un bon déjeuner avant de partir le matin. Nous sommes arrivés à Port-Cartier aux environs de 12 h. Nous décidons de nous trouver un restaurant avant d’appeler nos amis Nelson et Bianca.

Après avoir commandé, nous appelons nos amis. Ils sont déjà prêts à nous rejoindre au restaurant, il semblerait que le niveau d’eau est très bon pour faire la rivière Dominique. Un creek, pas trop difficile et très amusant, qui peut se faire en 2 heures.

Avant notre départ je propose au groupe d’organiser le souper du soir avant de faire notre descente, et nous avions déjà spotté la poissonnerie du coin. Le problème est la conservation de notre repas. Le frigidaire de la tente-roulotte n’est pas accessible et chaud, et je ne pense pas réalisable de pouvoir revenir avant la fermeture de la poissonnerie. Donc, je propose d’acheter notre souper et de le laisser au restaurant que nous venons de quitter pour le reprendre à notre convenance.

Après avoir réglé ce léger problème nous voilà partis pour l’analyse des chutes près de la route 138. Nous prenons même le temps d’aller voir la chute de la rivière Port-Cartier (à couper le souffle).

Cette rivière a été un plaisir à découvrir. Quelle belle rivière. Je dois aussi souligner nos hôtes,  ils ont été superaccueillants. Ils étaient tous les deux charmants, prenant le temps de descendre avant nous pour prendre des photos et/ou des vidéos.  Nous avons même été obligés de nettoyer un canyon d’arbres avant de pouvoir le descendre.

À la sortie de la rivière, pendant qu’André part chercher nos fruits de mer, nous installons la tente-roulotte, pour le souper seulement, dans un stationnement près de la rivière Dominique. Il nous restait encore 3 h 30 de route à faire pour se rendre à Longue-Pointe de Mingan.

Le souper fut succulent, une paella, bien arrosée de vin et de bière. Et la dernière étape de notre voyage fut beaucoup plus longue que prévu, et pas à cause de la boisson.

Nous avons appris ce qu’était un village relais. Je peux vous l’expliquer en détail. Certains marchands ont la responsabilité de répondre à toutes les urgences, peu importe l’heure. Et vous pouvez déjà deviner ce qui nous est arrivé. UNE PANNE D’ESSENCE, au milieu de nulle part, à minuit!!! Bon pour faire une histoire courte, nous avons arrêté une voiture et le conducteur nous a informés que nous étions qu’à 10km du prochain village relais. Après 20 minutes André était de retour avec un bidon d’essence.

Ouf, nous avons en bout de compte perdu que 2 heures. Rendu à Longue-Pointe on trouve la plage, on monte la tente et dodo. Pour expliquer à Longue-Pointe tu peux t’installer n’importe où sur la plage pour camper. Le lendemain, nous devions être chez Mathieu à 8h30. Donc, la nuit a été très courte, mais dormir au sont des vagues c’est tellement réparateur.

Roger Fillion

 

Jour 1, André Bélanger

La Côte-Nord, un pays dans un pays

En quittant Port-Cartier pour Havre Saint-Pierre, je croyais partir à la découverte de la rivière mythique Magpie. C’est le Québec que j’ai redécouvert, celui que nous, les gens de la ville, nous ignorons et même, avouons-le, que nous méprisons parfois. Ce n’est pas la feuille d’érable, partagée avec l’Ontario et le Nord-est des États-Unis, qui devrait être notre emblème, c’est l’épinette noire!

Deuxième arrêt le lundi matin 20 août à Longue-Pointe de Mingan chez Mathieu Bourdon, l’organisateur de l’expédition. Enseignant de plein-air à l’école Teueikan de la communauté Innue de Mingan, Mathieu est un amoureux de la rivière Magpie et un militant courageux qui porte à bout de bras la bataille contre les projets de barrage d’Hydro-Québec.

Pour Mathieu, organiser des expéditions sur la Magpie, ce n’est pas une entreprise à but lucratif, mais une vocation. Il le fait occasionnellement et dans le but de faire découvrir la rivière et ce, à un prix d’ami. Il venait d’ailleurs tout juste de compléter une descente de la rivière en compagnie des jeunes Innus de la réserve. Mathieu offre un service de grande classe : bouffe gastronomique préparée par un traiteur local (canard à l’orange, orignal aux fines herbes, crêpes, fraise et ananas frais sur un lit de nutella recouvert de sirop d’érable, etc), matériel de cuisine, le guide-cuisinier chargé de tout préparer et un cataraft pour transporter le tout. Il ne nous restait qu’à apporter nos kayaks, nos brosses à dents et à réserver l’hydravion.

11h, départ en hydravion : 45 minutes à 1 500 m au-dessus de la Côte-Nord, à admirer la Moisie, la Romaine et… la Magpie. Dépaysement total et un paysage avec des teintes de bleu, de vert foncé et de vert lime à couper le souffle.

Amerissage sur le lac Magpie : on commence l’assemblage du cataraft, une embarcation formée de deux flotteurs et d’une armature d’aluminium: de quoi transporter tout le bagage et plus encore! En fait, ça ressemble à rien d’élégant et quand on y place un guide dessus avec ses deux grandes rames, ça ne paie pas de mine. Mais fichument pratique!

La journée sera mollo et nous permettra d’explorer les premiers rouleaux. On entame alors notre cycle sympathique d’une dizaine de kilomètres par jour en mode "arrière-décor". Quoi, vous ne connaissez pas l’"arrière-décor"? C’est un jeu qui consiste à passer du point A au point B en prenant les détours les plus compliqués ou… les rouleaux les plus stimulants!

 

Jour 2, Roger Fillion

Déjà, le décor de la rivière Magpaie nous laisse sans mots. Quelle beauté, les montagnes qui nous entourent sont recouvertes de mousse bleue/verte et de lichen, les épinettes noires sont rarissimes, dû à une dévastation de la région par la tordeuse il y a environ 10 ans. On peut encore voir les ravages causés par cette dévastation par la quantité d’arbres morts encore debout. Les feuillus sont en train de coloniser cette zone dévastée.

Le camping était situé à 1Km après l’entrée de la rivière. Déjà, les rapides à l’entrée sont très intéressants. La veille, nous avons eu la chance d’identifier les rouleaux pour pratiquer le surf et diverses manœuvres. La lecture des rapides nous amène à avoir des discussions sur les différentes lignes et options.

Le déjeuner de crêpes avec bacon accompagné de fruits frais a été réconfortant. Oui des fruits frais en expédition, fraise et ananas sur un lit de nutella recouvert de sirop d’érable, Hummm.

Les moustiques étaient au rendez-vous, les petites mouches noires étaient très voraces, donc l’utilisation d’insecticides n’était pas une option.

Nous avons déjà eu des déceptions la veille. André avait pris la peine d’apporter quelques bonnes bouteilles de vin. Elles étaient introuvables, probablement oubliées dans la valise de l’auto. Mais il avait eu la bonne idée de faire provision de suffisamment de bière pour faire oublier cette bévue.

La première journée de descente était la journée avec le plus de rapides de notre expédition. Elle était par contre la plus courte en distance. Nous avions assez de temps pour faire un bon réchauffement et nous préparer à ce qui nous attendait. Les rapides étaient assez intenses et rapprochés, la plus parts nous les descendions à vu.

Jour 3, André Bélanger

un petit air de Saxophone

La rivière nous étonne! Succession de R III-IV et de S IV, le paradis des giratoires, des arrêts contre-courant et du surf. On ne va pas faire la Magpie pour le défi technique, mais pour l’immensité, les paysages, la nature sauvage, la beauté, la pêche à la truite et… pour prendre son temps. La paix, la c… de paix! 60 km de rivière en cinq jours et sept heures par jour sur l’eau : le même rythme que celui que j’avais sur l’Outaouais en juin. Et franchement, j’étais au Costa Rica avec Louis et j’ai préféré la Magpie pour le dépaysement.

Au jour 3 commence le plus gros jus. Plusieurs beaux R IV et quelques excellents rouleaux à surf. "Ce R IV ne se fait pas", nous lance notre guide. "Mais non, mais non qu’on lui répond". Eh bien, Mathieu y a fait l’une des plus belles figures sous-marines de sa carrière. Il a sauté la grande glissade et parcouru un bon 10 mètres sous l’eau. Faut le faire avec un creek boat!

Toute la journée, les vagues à surf s’enchaînent, même si on doit parcourir plus de kilomètres que d’habitude. Mais que voulez-vous, l’appel de la vague est toujours plus fort. On arrivera très tard à destination: le Saxophone. Pas trop tard, mais surtout crevé par la journée sur l’eau.

Ce très beau rapide zigzage entre des pitons rocheux et le camping se fait directement sur le cap de roche. Roger, avec sa grande tente, choisit de s’installer près d’un arbrisseau, mais surtout juste à côté d’un trou de marmite rempli d’eau. Pratique si on a envie de pisser, mais distraits, s’abstenir. L’eau est froide et la nuit est noire, ben noire!

De notre côté, Mathieu et moi, on choisit de se couper des branches d’épinettes (ce n’est pas cela qui manque dans le coin) pour se confectionner un matelas confortable et surtout aromatisé à l’huile essentielle.

Jour 4, André Bélanger

la chute des femmes

Cette 4e journée a démarré avec le Saxophone, finalement un rapide plutôt facile à la réputation surfaite, mais surtout de toute beauté! Plus loin, ce sera la chute des femmes. Pourquoi donc la gente féminine? Eh bien c’est à cause de la pitoune qui s’accumule à ses pieds en amoncellements monstrueux. On ne dira pas que les gens de la Côte-Nord n’ont pas de classe d’éviter d’utiliser le terme pitoune n’est-ce pas?

C’est un très bel endroit où manger, avec du bois bien sec en quantité. Un feu n’était donc pas de refus!

C’était aussi un gros obstacle pour nous. On choisit de portager la première partie, un seuil pas accueillant du tout du tout, et de descendre la seconde partie. La manoeuvre est pas évidente, puisqu’il y a un contre-courant plutôt agressif et qu’il faut se donner une bonne swing pour éviter de se faire rincer les narines par un trou en amont du rapide. Comme j’ai eu la chance de m’y essayer à deux fois, alors j’ai eu deux nettoyages en règle. Mes amis ont pu constater mes très grandes capacités respiratoires quand ils m’ont vu descendre la tête sous l’eau jusqu’en bas. L’honneur a été sauf toutefois puisque j’ai pu descendre correctement la seconde fois.

Le soir, coucher à la tête de la chute 4, chute emblématique de la Magpie. Très bel endroit pour se préparer psychologiquement à affronter la journée 5, celle de tous les portages.

Jour 5, André Bélanger

Des chutes ahurissantes!

Le clou de l’expérience, ce sont les chutes 4 et 3, portages obligatoires. Les chutes sont numérotées depuis le fleuve. La première, près de la route et du fleuve, est fermée par un barrage, la seconde à moitié noyée par le lac artificiel créé pour alimenter la première. Il nous reste la 3e et la 4e, mais commençons par la 4e, puisque c’est de l’amont que nous arrivions.

La quatrième chute est immense, mythique, avec portages à la clé. On dit que le pas très modeste Steve Fisher aurait refusé de sauter les chutes, c’est pour dire. Pour l’admirer, on termine le portage et on peut remonter au pied de la chute. De là, randonnée sur les rochers pour la surplomber. Surprise: un nid d’aigle fixé dans une anfractuosité d’un surplomb, juste au-dessus du torrent, à l’abri de toute forme de prédateur.

On y est resté pas mal longtemps à se laisser impressionner par la force de l’eau. Respect!

La troisième chute, ç’a été mon coup de coeur. Je me pensais à Iguazu en Argentine : des trombes d’eau qui s’écoulent en de multiples cascades autour de gros caps de roche recouverts d’une forêt riche et généreuse. J’avoue, le portage était chiant et sale; mais il en valait la peine! En passant, si vous y allez, portez des pantalons longs: les bruyères nordiques sont d’une efficacité redoutable pour vous arracher des morceaux de peau au passage.

L’expérience a été bonne. Tellement bonne que mon petit doigt me dit qu’on va probablement répéter l’expérience l’an prochain.