L’image est simple. À force de côtoyer des passionnés de kayak en eau vive, on comprend rapidement pourquoi « Kayak » est l’un de nos palindromes. Peu importe du côté d’où on le regarde, il revient toujours à sa position initiale, et ce, pour un plaisir garanti!
Bon, j’avoue qu’en considérant le sport ainsi, il doit être donné à tous ceux qui savent nager l’atteinte d’une réussite instantanée des différentes manœuvres. Et pourtant…
Depuis la pratique de ce sport, le dépassement de soi fait maintenant partie de mes batailles psychologiques. Jamais je n’aurais pensé devoir travailler cet aspect autant, sinon plus, que mes capacités physiques. J’étais à la recherche d’un sport me permettant d’aller au-delà de mes limites. Je suis maintenant servie. Seulement, malgré moi, mon côté rationnel m’impose toujours une certaine logique. Pourquoi? Je ne vous apprends rien en mentionnant que ce sport est contre-intuitif. Malgré la théorie et les quelques heures de pratique, il m’est difficile de briser ces barrières qui me hantent. D’où viennent-elles? De la prise de connaissance du risque? Celui-ci survient tout simplement lorsque les mouvements ne sont pas faits selon les règles de l’art. Je le sais bien puisque le Kayak est un sport où la maîtrise de soi et la technique sont au cœur de la réussite. Est-ce la peur de me mouiller ou de nager? Bien sûr que non. Quand on choisi de pratiquer un sport nautique, on prend même plaisir à s’asperger de cet eau si rafraîchissante. Alors, comment expliquer qu’il n’y ait jamais de « Go » après ma courte suite numérique que je m’impose avant de tenter un esquimautage? Je crois dur comme fer que tout est relié à notre disposition psychologique. C’est tout. Il faut que ce petit déclic se fasse pour prendre conscience à quel point il est plus simple de pagayer ou de mettre certaines techniques en pratique lorsque le kayak est la prolongation du corps et que nous avons le sentiment de ne faire plus qu’un avec lui.
Roger Fillion et Isabelle Marcoux – Cours en piscine – Printemps 2010
Pour ma part, en kayak, il n’y a toujours rien d’acquis. J’ai descendu à trois reprises la Familiale (Rivière Rouge) lors de mon cours en rivière. La première descente s’étant très bien déroulée car le goût de l’aventure étant au rendez-vous et que le but était d’en réussir la descente coute que coute. Oui, c’est vrai, je dois admettre, j’ai dû dessaler à la toute fin. Mais, quel bonheur de constater que le fait de dessaler n’enlève aucunement rien au plaisir! À l’approche d’une deuxième descente, on souhaite prendre le contrôle de nos mouvements et du rythme avec lequel nous descendons. À ce moment, ma descente s’est corsée car ma technique cherchait à l’emporter sur la fluidité naturelle de mes déplacements corporels. J’anticipais ma descente à un point tel d’en ressentir un stress important dans mes membres de même qu’au niveau de ma respiration qui devenait de plus en plus profonde et saccadée. Ce n’est pas pour rien que l’on me taquinait avec l’éventuelle possibilité d’avoir recours au sac de papier.
Isabelle Marcoux – Descente de la Familiale – Juin 2010
Encore là, pourquoi? La satisfaction que nous procure uniquement le fait de se lancer dans ce défi, d’oser, est difficilement atteignable autrement. Le fait que nos moniteurs portent un regard de fierté à la vue de notre progression, en seulement deux fins de semaine, vaut tout l’or du monde. Que demander de plus? Pourquoi tant de retenue lorsque la récompense est toujours au rendez-vous? Pourquoi avoir le sentiment que le moniteur qui s’y connaît, qui veille à notre compréhension, empiète dans notre bulle (j’ai un énorme besoin d’être seule dans mon environnement immédiat pour me sentir à l’aise avec mes manœuvres)? Pourquoi ne pas y aller tout simplement en ayant en tête que le mot kayak est un palindrome et que peu importe la position à partir de laquelle on le regarde, il finit toujours par donner le même résultat. À qui sait se pratiquer!
La pratique est gage d’un accomplissement supérieur et les conseils doivent toujours être les bienvenus car les gens qui nous entourent ont une meilleure position que nous pour poser un regard sur nos façons de faire. Les moniteurs et les encadreurs veulent que nous réussissions dans ce sport. Alors, laissons de côté l’orgueil, le côté rationnel et amusons-nous! La preuve, à la fin de mon cours, j’ai réussi à descendre le seuil Élizabeth sans même chavirer. Il suffit d’y croire.
Routine de Roger en eau calme
À la fin de chacune des journées effectuées, lors de mon cours de kayak en rivière, je prenais le soin de camper sur papier tous mes apprentissages. Considérant le fait qu’au moment où j’allais me retrouver seule, j’allais me questionner sur les exercices à préconiser, j’ai pris bonne note de la routine proposer par Roger. Avec son accord et tout son mérite, je tiens à partager avec vous cette série d’exercices qui saura vous guider :
· Étirement 1 (sans l’utilisation de la pagaie) :
L’objectif de cet exercice est d’augmenter la souplesse du tronc pour vous permettre d’être confortable en position de descente de côté.
o Bien assis dans son kayak, on dépose la main droite au-dessus du genou gauche;
o Au même moment, on tend la main gauche le plus loin possible sur la queue du kayak;
o Le regard doit se faire vers l’arrière, ce qui permet un étirement de la colonne.
o Une fois bien étiré, il faut répéter l’exercice du côté opposé.
· Étirement 2 :
o Bien assis dans son kayak, pagaie bien en main, on positionne nos bras (coudes vers le haut) afin de créer une boîte rectangulaire entre la pagaie, le corps et les bras;
o En conservant cette position neutre, faire un pivot du tronc au maximum de son extension, et ce, chacun des côtés (Swing gauche-droite, Swing droite-gauche);
o Faire un arrêt en position de fin de rotation pour exercer vos abdominaux à retenir cette position;
o Le pivot doit se faire en maintenant la position des bras. Seuls les abdominaux doivent être en mouvement. Ne pas essayer d’atteindre une position en dehors de votre limite de souplesse.
· Appuie en poussée 1 :
Objectif : mémoire musculaire de la position du haut du corps.
o Bien assis dans son kayak, pagaie bien en main, on positionne nos bras (coudes vers le haut) afin de créer une boîte rectangulaire entre la pagaie, le corps et les bras;
o En conservant cette position neutre, faire un pivot du tronc au maximum de son extension du côté désiré (position de descente de côté);
o Au même moment, il faut chercher à créer un déséquilibre avec son kayak;
o Pour effectuer l’appuie en poussée, il faut lever le coude au-dessus du manche de la pagaie, et ce, bien entendu, du côté où s’effectue la gîte, avec une inclinaison du tronc vers l’avant;
o La tête doit être barré sur l’épaule et chercher à tendre le regard vers le fond de l’eau;
o La main de contrôle serrée et l’autre main relâchée pour permettre au bras droit et gauche de travailler de façon indépendante;
o À ce moment, il est alors possible de travailler la poussée du bras et le blocage du haut du corps;
o Vous devez voir dans cet exercice, la pratique du blocage des membres comme ce qui devrait être fait lors de l’esquimautage.
· Appuie en poussée 2 :
Objectif : renforcement du coup de hanche (terme anglophone : hip snap).
Note importante : Ces mouvements doivent se faire simultanément à ceux inscrits pour l’appuie en poussée 1.
o Position de descente de côté;
o Créez un déséquilibre;
o La hanche doit se crinquer au moment du déséquilibre, et il doit y avoir une retenu de cette tension avant le relâchement du hip snap;
o Le genou de la gîte doit être vers le haut et le genou opposé vers le bas;
o Au moment où s’effectue la poussé du bras, un relâchement de la tension au niveau des hanches se fait pour effectuer le « hip snap »;
o Vous devez voir dans cet exercice, la pratique du coup de hanche qui sera utilisé lors de l’esquimautage.
· Appuie en suspension :
o Bien assis dans son kayak, pagaie bien en main, on positionne nos bras (coudes vers le haut) afin de créer une boîte rectangulaire entre la pagaie, le corps et les bras;
o En conservant cette position neutre, faire un pivot du tronc au maximum de son extension du côté désiré;
o Au même moment, il faut chercher à créer un déséquilibre avec son kayak en regardant proche du Kayak sur le côté du déséquilibre;
o Pour effectuer l’appuie en suspension, il faut s’assurer de barrer le corps et la tête;
o Seul le bras effectuant l’appuie est en mouvement.
o Attention de ne pas défaire la boîte lors de ce mouvement, risque élevé de blessure aux épaules en eau vive.
· Circulaire
Éléments importants pour une circulaire à droite:
o Bien assis dans son kayak, pagaie bien en main, on positionne nos bras (coudes vers le haut) afin de créer une boîte rectangulaire entre la pagaie, le corps et les bras;
o Créez un point d’ancrage, on bloque la pagaie à l’avant, soit à 11h. Conservez un léger angle au niveau du coude. Il est préférable d’avoir une circulaire compacte (plus proche du Kayak) qu’une circulaire avec le bras en pleine extension;
o Le regard se fait à 13h, ce qui favorise une rotation avec assiette à plat;
o On barre la pagaie et les bras;
o Rotation du tronc. Ne pas aller plus loin que votre limite de rotation de votre tronc;
o Accélération du mouvement : graduelle;
· Rétro circulaire
Éléments importants pour une rétro-circulaire sur le côté droit:
o position de départ : la boîte avec rotation du tronc au maximum,
o Point d’ancrage, je plante la pagaie à l’arrière, à 5h ou 6h;
o La pagaie profonde dans l’eau avec léger angle au niveau du coude. Roger préfère une rétro-circulaire compacte (plus proche du Kayak) qu’une rétro-circulaire avec le bras en pleine extension;
o barrez les bras;
o regard à 11 h, favorise une rotation avec assiette à plat;
o Rotation du tronc;
o Accélération du mouvement : graduelle, on termine en explosion le menton sur la jupette et la pagaie le plus loin possible vers l’avant. Imaginez que vous lancez un sac de roche devant le Kayak;
· Enchainement :
Manœuvre : propulsion, circulaire et position neutre pour appui.
Séquence : 1, 2, 3, attente, petite circulaire, attente, swing.
Lors de cet exercice imaginé que vous faites le mouvement à partir du contre-courant (reprise de courant).
La remontée du contre-courant doit toujours se faire de façon lente en se concentrant sur l’angle d’entrée et le point A qui est le premier coup de pagaie de vitesse. Le point B représente l’endroit ou je dois faire ma petite circulaire. Toujours faire la circulaire dans le courant. Je préfère voir la circulaire plus loin dans le courant que dans la ligne de cisaillement.
La reprise de courant devrait toujours montrer un changement de vitesse entre l’approche et l’arrivée au point A.
Séquence de la reprise de courant :
· Dans l’approche, toujours se demander sur quel côté je veux faire le virage pour identifier le côté du coup de pagaie numéro 1. Virage à gauche= Coup de pagaie numéro 1 à gauche;
· 3 coups de pagaie pour la vitesse. Les propulsions doivent être courtes et intenses à l’avant du Kayak, cela permet de conserver l’angle d’approche. Il est plus facile d’ajuster sont approche si les coups de pagaie sont court;
· Position d’attente pour la circulaire avec gîte;
· Petite circulaire (¼) en conservant la gîte, en réalité je devrais être en contre gite à la fin du mouvement. Si vous êtes en eau calme, vous aurez du temps pour crinquer le tronc en finissant le mouvement de la circulaire en dehors de l’eau (Note 1);
· Retenu de la tension du tronc environ 1 seconde;
· Relâchement de la tension (Swing), je saute rapidement d’un côté à l’autre tout en conservant la gîte;
Note 1 : Par contre si vous êtes en eau vive l’attente et la fin de la circulaire peuvent être absentes, mais l’intensité du swing et le moment d’exécution sont très importants. L’angle d’entrée dans le courant devrait être à 13h, la petite circulaire vous amène à 14h, et le swing devrait être fait avant d’arriver à 15h.